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 VERTE - Première Partie : Chapitre 1

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VERTE - Première Partie : Chapitre 1 Empty
MessageSujet: VERTE - Première Partie : Chapitre 1   VERTE - Première Partie : Chapitre 1 Icon_minitimeSam 17 Déc 2022 - 19:44

Ce qu'en disait Ursule (LA VOIX D'UNE MERE)



Sur terre, tout le monde a le droit de se plaindre. Les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux, les animaux eux-mêmes se plaignent. De l'excès d'amour, de l'absence d'amour, de la famille, de la solitude, du travail, de l'ennui, du temps qui passe, du temps qu'il fait... Le monde râle, c'est ainsi.
Parmi toutes les espèces, il en existe une pourtant qui n'a pas le droit de se plaindre. Une seule. L'espèce des mères. À la rigueur, elles peuvent se mettre en colère. Mais pas gémir, c'est mal vu.
Pourquoi? Parce que grâce à leurs enfants, les mères baignent dans un océan de bonheur. C'est connu.
Quelle hypocrisie ! Moi qui suis une mère, je le dis tout net: ces derniers temps, ma fille me met les nerfs en pelote. Elle me rend chèvre. Elle me fatigue.
J'ignore comment les choses se passent dans les familles normales. Elles ressemblent probablement à ce qui se passe chez nous. J'entends chez les sorcières. Sorcières: je n'aime pas le mot. Il sent le château fort et le bûcher, le bonnet pointu et le manche à balai, j'en passe et des meilleures. Tout un folklore désuet qui date du Moyen Âge.
 
Moi, de ma vie, je n'ai jamais porté de chapeau, et encore moins de chapeau pointu. Pointu pour pointu, je préfère les escarpins à très hauts talons. Quant au balai volant, laissez-moi rire. Quand je veux voler, je prends l'avion comme tout le monde.
D'ailleurs, toute sorcière que je sois, personne ne pourrait me reconnaître, à la porte de l'école, dans le petit tas de mères qui poireautent en attendant la sortie des classes. Je ressemble à Madame N'importe Qui. Enfin, je crois... Je n'ai jamais vérifié: je n'attends pas ma fille à la sortie des classes.
Faire comme les autres, ce n'est pas mon genre. Je suis vraiment différente. Je peux vraiment faire un tas de choses dont le commun des mères n'a même pas idée. Faire pleuvoir ou faire neiger. Donner la varicelle et le coryza. Transformer un chien en tabouret. Me faire livrer par le supermarché sans passer de commande. M'abonner au câble sans payer. Et je n'évoque pas les pouvoirs très extraordinaires, tellement extraordinaires qu'il est interdit d'en parler.
Tout cela ne m'est pas venu tout seul. Pour devenir sorcière, il ne suffit pas d'avoir un don. Il faut se donner du mal. Là comme ailleurs, le vrai secret, c'est le travail. Les jeunes sorcières doivent apprendre, lire et relire sans fin les manuels et s'exercer sous la direction d'une ancienne. Moi par exemple, j'ai tout appris de ma mère. Elle m'a entraînée, elle a corrigé mes erreurs, elle a mesuré mes progrès. C'est grâce à elle que je suis devenue ce que je suis: une sacrée bonne professionnelle. Quand je décide d'être juste et sincère, je reconnais que je lui dois beaucoup.
Lorsque j'ai été mère à mon tour, je me suis réjouie de pouvoir transmettre le relais à ma fille. Rien n'est plus beau que de façonner un jeune être à son image.
Il faut savoir que chez nous le don se transmet de mère en fille, exclusivement. Il paraît qu'il existe des sorciers, mais j'en doute. Pour ma part en tout cas, je ne connais pas de sorcier vivant. Il m'est bien arrivé de rencontrer quelques vieux magiciens foireux, reconvertis dans la prestidigitation. Mais de véritable sorcier, non. Je ne crois pas que les hommes aient beaucoup à voir avec la sorcellerie.
De plus, les sorcières ne peuvent passer leur pouvoir qu'à l'aînée de leurs filles. Voilà pourquoi la plupart d'entre nous se contentent de donner le jour à une seule gamine. C'est bien assez de souci. Franchement, quand on n'aime pas beaucoup les enfants, pourquoi s'encombrer de toute une tripotée de braillards sans le moindre avenir dans la profession?
J'ai donc donné le jour à une fille. Son père, un certain Gérard si j'ai bonne mémoire, avait décidé de l'appeler Rose. Rose... On fait difficilement plus tarte.
Mais je n'entendais pas obéir aux caprices de ce monsieur, si charmant qu'il soit dans mon souvenir. Peu importe ce qu'il a bredouillé à la mairie: du fond de mon lit, j'avais ensorcelé l'employé de l'état civil. Ma fille a donc été enregistrée sous le joli nom de Verte, autrement plus seyant pour une future sorcière que celui de Rose.
Je ne sais pas si c'est cette histoire de prénom qui a vexé le papa. Toujours est-il que, rapidement, nous ne l'avons plus revu. Bon, j'avoue que je ne lui ai pas facilité les choses.Verte avait juste quelques semaines quand j'ai déménagé sans lui laisser d'adresse.
Il nous a cherchées longtemps. Nous l'avons croisé, dans la ville, errant entre les squares, les écoles et les bibliothèques municipales. Lorsque je le voyais approcher, je nous environnais, Verte et moi, d'un brouillard opaque qui nous rendait invisibles à ses yeux. Nous aurions pu nous cogner contre lui sur le trottoir, il ne nous aurait pas remarquées. Pauvre Gérard. Quelquefois je me dis qu'il nous cherche toujours.
J'ai attendu des années que se révèle devant moi le talent de Verte. Il faut du temps pour que le pouvoir vienne aux sorcières. Dans leur enfance, elles sont pareilles à toutes les autres petites filles : elles ressemblent à des petits canaris, des petits écureuils, des petits papillons rieurs, décidés et colériques. Maternelle, école primaire, anniversaires d'enfants, cours de danse : les petites sorcières grandissent dans l'ignorance de leur condition. Puis un beau matin, un de ces matins où elles sont de très mauvaise humeur, elles font voler leur cartable à travers leur chambre, elles font se faner les bouquets aux devantures des fleuristes, elles donnent la jaunisse à leurs voisins de classe. La sorcellerie leur vient sans même qu'elles s'en rendent compte. Elles s'étonnent elles-mêmes des calamités qu'elles déclenchent sur leur passage. Ce jour-là, il est temps : il faut les mettre au travail sans tarder. Le mercredi après-midi, les cours de danse cèdent la place aux cours de sorcellerie. Et au bout du compte, la petite fille devient jeune sorcière.
Voilà le destin tout tracé qui attendait ma petite Verte. Je la regardais grandir, attentive au moindre signe surnaturel. Mais quand elle a atteint ses dix ans, elle était toujours d'une normalité déprimante. Jolie fille, bonne élève, brave camarade, rigolote, soigneuse et gentille. J'attendais encore qu'elle fasse voler les meubles dans l'appartement quand je me suis rendu compte que le seul grand changement qui affectait sa vie était qu'elle regardait les garçons d'un œil à la fois moqueur et intéressé.
— Qu'est-ce que tu trouves à ce grand crétin dont tu parles sans cesse? lui ai-je demandé un soir, alors que nous buvions à petites gorgées une tisane brûlante et parfumée.
Elle a regardé le plafond d'un air rêveur. Elle a soupiré.
— Soufi ? Toutes les filles de l'école en sont amoureuses, c'est clair.
— Mais toi, ma pauvre fille, ai-je insisté, complètement atterrée. Toi, tu en es amoureuse ?
Elle a souri, avec des yeux charmeurs, à demi clos et voilés de cils.
— Je ne sais pas... En tout cas, tout le monde dit qu'il est amoureux de moi.
Pas de doute : cette coquine roucoulait. Un étourneau écervelé : voilà ce que l'âge avait fait de ma seule héritière. Après tout ce que j'avais fait pour elle, moi qui lui avais consacré les plus belles années de ma vie. J'étais déçue. Pas désespérée, mais déçue, ça oui.
 


Dernière édition par Admin le Dim 18 Déc 2022 - 0:36, édité 1 fois
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