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 VERTE - Première Partie : Chapitre 3

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MessageSujet: VERTE - Première Partie : Chapitre 3   VERTE - Première Partie : Chapitre 3 Icon_minitimeSam 17 Déc - 21:19

Ce qu'en disait Ursule (LA VOIX D'UNE MERE)






 Toute la classe sait que Soufi est amoureux de moi. Quand je pense à cette pauvre Ségolène ! Elle l'aime à la folie. Il faudrait peut-être que je lui dise qu'elle perd son temps. Qu'est- ce que tu en penses?
Une fois n'est pas coutume, Verte avait l'air de charmante humeur en revenant de l'école. Elle bavardait sans interruption, assise à la table de la cuisine, et je l'écoutais d'une oreille en préparant un magnifique brouet brun destiné à empoisonner le chien de nos voisins, un animal de cauchemar qui ne cessait de pisser contre la porte de l'immeuble. Un peu de brouet brun sur la porte et je ne donnais pas cher de sa peau: après quelques jours de pelade et de douleurs diverses, la brave bête rendrait son âme au diable et la question serait réglée. Et si les voisins se plaignaient, je les passerais au brouet, eux aussi. Ils commençaient à me chauffer, tous, avec leurs horribles animaux. Est-ce que j'emmène mes mygales pisser devant chez eux?
— Soufi est vraiment bizarre, poursuivait Verte en levant les yeux au plafond. Il n'arrête pas de me regarder en disant que je ressemble à quelqu'un qu'il connaît mais il ne sait pas qui. Aujourd'hui, à la récréation, il a même demandé au surveillant si je ne lui rappelais pas quelqu'un.
En dépit de son ton désapprobateur, Verte semblait enchantée de l'intérêt que lui manifestait ce gamin. Pauvre fille, il était temps que je lui remette les idées en place.
— Tu sais sûrement que ce garçon cherche à se rendre intéressant, n'est-ce pas? Imaginer des ressemblances: c'est un très vieux truc inventé par les hommes pour faire les malins et lier connaissance. Ne sois pas stupide. Ignore-le, c'est tout ce qu'il mérite.
— Mais je ne m'occupe pas du tout de lui, ni de ses blagues idiotes, a répondu Verte. Vraiment, je me fiche pas mal de ce qu'il pense, de ce qu'il dit et de ce qu'il peut bien faire. Quel imbécile quand j'y pense.
Elle avait l'air beaucoup moins joyeuse tout d'un coup. Le visage contrarié, du bout de la cuillère, elle chipotait dans son bol de céréales.
 À propos, ai-je repris hors de propos, Anastabotte va venir te chercher mercredi matin.
— Très bien, a fait Verte en levant le nez de son goûter. Pour quoi faire?
— Pour te garder. À partir de cette semaine, tu passeras le mercredi chez ta grand- mère. Tu seras sûrement plus heureuse avec elle qu'avec moi. Elle t'apprendra les premiers rudiments du métier et moi, de mon côté, j'aurai le temps de travailler.
D'accord, a fait Verte. Mais surveille ta soupe, elle va déborder.
— Ce n'est pas une soupe, ignorante ! Je te le répète pour la centième fois: c'est un brouet empoisonné. Tu ne fais vraiment aucun effort pour écouter ce que je dis. Tu me fatigues à la fin. Va faire tes devoirs dans ta chambre, je t'ai assez vue.
Le mercredi matin, Verte s'est levée bien avant moi. Je l'ai entendue trottiner autour de ma chambre. Cette activité matinale me donnait la migraine. Je me suis enfouie sous la couette, le nez sur le matelas, l'oreiller collé sur la tête, rabattu de part et d'autre des oreilles. Mais je l'entendais toujours chantonner: «Je sens mon cœur qui bat qui bat, je ne sais pas pourquoi». J'ai jeté un coup d'œil au réveil. Il était sept heures et la rengaine de Verte me résonnait dans le crâne comme une volée de cloches. Je déteste les matins.
Quand Anastabotte a sonné, à huit heures et demie, Verte a bondi sur la porte. Il fallait que je me décide à sortir du lit. Je me suis enroulée dans ma grande robe de chambre noire et je les ai rejointes à la cuisine.
À ma grande surprise, ma mère semblait enchantée de m'enlever ma fille. Comme si la perspective de se balader du matin au soir avec une gamine dans les pattes avait quelque chose de réjouissant. Elle s'était vêtue en conséquence et Verte l'observait d'un œil médusé.
— Mais enfin Anastabotte, ai-je demandé, tu peux me dire d'où tu sors cet accoutrement?
Ma mère avait exhumé de son armoire un vieux costume qui datait sans doute de sa jeunesse. Ou peut-être de la jeunesse de sa propre mère. Elle s'était emmitouflée dans un ensemble de velours rouge sombre, longue jupe à godets lui fouettant les mollets et chasuble ample, retenue à la taille par une large ceinture en peau de serpent.
Elle était terriblement maquillée, les yeux à moitié dissimulés sous une couche de fard vert, la bouche si rouge qu'elle en paraissait couverte de sang. Quand elle souriait, ses dents jaunes brillaient d'un étrange ivoire dans son visage blanc. Elle avait enserré ses cheveux gris dans un filet parsemé de minuscules perles noires. Elle estimait sûrement ressembler à une sorcière, mais croyez-moi elle ressemblait d'abord à une folle. Ce qui n'avait pas l'air de gêner Verte. Pas du tout. Elle couvait sa grand-mère d'un regard admiratif.
— C'est vraiment joli, tu ne trouves pas, Maman ?
— Hmm tu trouves? ai-je fait en m'effondrant sur ma chaise devant une tasse de café.
J'avais beau être consternée par l'allure de ma mère, je pouvais me réjouir d'une chose: si Anastabotte avait ressorti du placard ses vieilles frusques de professionnelle, c'est qu'elle était décidée à parler boutique avec Verte. Elle allait sans doute essayer de voir ce que ma fille avait dans la tête. Elle allait peut- être même lui donner ses premières leçons.
Et ma petite Verte cesserait de s'intéresser aux morveux de sa classe, elle renoncerait à me poser des questions sur son père. Elle deviendrait enfin la bonne petite sorcière que j'espérais de tous mes vœux. On a le droit de rêver...
Elles ont filé vers neuf heures. Ma mère dans un envol de velours pourpre et de perles noires, ma fille plus sagement vêtue de coton bleu marine et les cheveux si bien peignés qu'on aurait pu planter des graines dans les raies dessinées par le peigne. J'ai fermé la porte de la cuisine, baissé le feu sous le brouet brun, et je me suis plongée dans L'Art d'accommoder les insectes rampants, un excellent ouvrage de cuisine que je recommande aux ménagères sans le sou.

 


Dernière édition par Admin le Mar 20 Déc - 18:18, édité 4 fois
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